Annexe
Annexe 94
Le bâton et les sandales des apôtres

Le bâton et les sandales des apôtres

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Vous pouvez consulter l’annexe ANN098 : Les numéros Strong

Vous pouvez consulter le chapitre : Les Evangiles

Introduction

Après avoir choisi douze disciples qu’il nommera apôtres (PER080), le Messie Jésus les envoie deux par deux évangéliser la région de la Galilée. Les propos du Maître concernant cette mission, inédite pour eux (PER081), sont rapportés par Matthieu, Marc et Luc.

Nous allons examiner en détail ces trois textes, car une divergence apparaît rapidement. Il s’agit du bâton que Matthieu et Luc disent qu’il ne faut pas prendre, tandis que Marc semble affirmer le contraire. De même, les détails concernant les sandales peuvent prêter à confusion.

Rappelons, selon nos conclusions, que Matthieu a rédigé son Évangile en premier, suivi de près par celui de Marc, la plume de Pierre. Ce second Évangile n’est autre qu’une correction du premier, adaptée aux lecteurs non-juifs. L’Évangile de Luc n’arrivera qu’une dizaine d’années plus tard. Par conséquent, comme nous l’avons déjà noté, Luc connaissait les écrits de Matthieu et de Marc, il semble donc évident qu’il n’aurait jamais contredit les apôtres.

Le récit de Matthieu

Matthieu 10.5–15 (S21)

5 Ce sont les douze que Jésus envoya, après leur avoir donné les instructions suivantes : « N’allez pas vers les non-Juifs et n’entrez pas dans les villes des Samaritains.

6 Allez plutôt vers les brebis perdues de la communauté d’Israël.

7 En chemin, prêchez en disant : ‘Le royaume des cieux est proche.’

8 Guérissez les malades, [ressuscitez les morts,] purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement.

9 Ne prenez ni or, ni argent, ni monnaie dans vos ceintures,

10 ni sac pour le voyage, ni deux chemises, ni sandales, ni bâton, car l’ouvrier mérite sa nourriture.

11 » Dans chaque ville ou village où vous arrivez, informez-vous pour savoir qui est digne de vous accueillir et restez chez lui jusqu’à votre départ.

12 En entrant dans la maison, saluez ses habitants

13 et, s’ils en sont dignes, que votre paix vienne sur eux ; mais, s’ils n’en sont pas dignes, que votre paix revienne à vous.

14 Lorsqu’on ne vous accueillera pas et qu’on n’écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds.

15 Je vous le dis en vérité, le jour du jugement, le pays de Sodome et de Gomorrhe sera traité moins sévèrement que cette ville-là.

(Traduction Louis Segond S21)

Notre attention se porte spécifiquement sur le verset 10 (Matthieu 10.10) qui stipule : “Ne prenez …ni sandales, ni bâton”. Cette information suscite l’étonnement, car il est difficile d’imaginer les apôtres se déplacer sans chaussures ni bâton. Il est à noter que Matthieu mentionne explicitement “deux chemises”, ce qui suggère qu’ils en portaient une pour voyager.

Il nous semble donc logique que Matthieu, après avoir mentionné deux chemises, sous-entend également deux paires de sandales et deux bâtons. Cependant, cette interprétation reste personnelle et sans preuve.

Le terme utilisé par Matthieu 10.9, traduit par “ne prenez pas”, est : Κτάομαι (Numéro Strong 2932). Ce mot peut signifier “se procurer” ou “acquérir”. Dans ce contexte, Matthieu semble vouloir dire que l’apôtre ne doit pas chercher à acheter un bâton ou des sandales, ni à se procurer des articles supplémentaires. Les personnes bénies par son ministère devraient lui fournir ces articles gratuitement.

Nous pourrions synthétiser la pensée exprimée par Matthieu de la manière suivante : Ne vous préoccupez pas des biens matériels et consacrez-vous uniquement à la prédication. Ces tâches devraient être prises en charge par les personnes converties grâce à votre ministère.

Le récit de Marc

Marc 6.6–13 (S21)

6 Et il s’étonnait de leur incrédulité. Jésus parcourait les villages des environs en enseignant.

7 Alors il appela les douze et commença à les envoyer deux à deux, et il leur donna autorité sur les esprits impurs.

8 Il leur recommanda de ne rien prendre pour le voyage, sauf un bâton, de n’avoir ni pain, ni sac, ni argent dans la ceinture,

9 de chausser des sandales et de ne pas mettre deux chemises.

10 Puis il leur dit : « Si quelque part vous entrez dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ.

11 Et si, dans une ville, les gens ne vous accueillent pas et ne vous écoutent pas, retirez-vous de là et secouez la poussière de vos pieds en témoignage contre eux. [Je vous le dis en vérité, le jour du jugement, Sodome et Gomorrhe seront traitées moins sévèrement que cette ville-là.] »

12 Ils partirent et prêchèrent en appelant chacun à changer d’attitude.

13 Ils chassaient beaucoup de démons, appliquaient de l’huile à beaucoup de malades et les guérissaient.

(Traduction Louis Segond S21)

Le verset 8 de Marc 6.8, semble contredire l’affirmation de Matthieu. En effet, Marc précise que les apôtres doivent prendre un bâton, des sandales et une chemise. Ces détails de Marc correspondent davantage à la réalité : les apôtres partent habillés avec leur bâton de marche. Cependant, nous devons admettre que les deux traductions sont différentes et même contradictoires.

Le terme employé par Marc 6.8, traduit par « ne rien prendre », est : αἴρω (Numéro Strong 142), qui signifie plutôt emporter. Il s’agit d’affaires que l’apôtre possédait déjà ! Marc n’utilise donc pas le même terme que Matthieu. Dans le premier cas, nous avons le sens d’acquérir ou de se procurer des articles supplémentaires, et dans le second, le sens d’emporter des objets personnels.

Nous pouvons résumer les informations de Marc comme suit : prenez le strict minimum pour le voyage et ne vous chargez pas d’affaires qui seront inutiles, car c’est aux nouveaux convertis par votre ministère de pourvoir à ces besoins matériels.

La formulation de Marc, qui reprend avec Pierre le récit de Matthieu afin de l’adapter à un public non-juif, est différente, mais le sens est le même. Les deux termes grecs employés permettent cette interprétation et résolvent cette apparente contradiction.

Cependant, nous arrivons maintenant au texte de Luc qui semble remettre en question cette interprétation !

Le récit de Luc

Luc 9.1–6 (S21)

1 Jésus rassembla les douze [apôtres] et leur donna puissance et autorité pour chasser tous les démons et guérir les maladies.

2 Il les envoya proclamer le royaume de Dieu et guérir les malades.

3 « Ne prenez rien pour le voyage, leur dit-il, ni bâtons, ni sac, ni pain, ni argent, et n’ayez pas deux chemises [chacun].

4 Quelle que soit la maison où vous entrez, restez-y, et c’est de là que vous partirez.

5 Si l’on ne vous accueille pas, sortez de cette ville et secouez la poussière de vos pieds en témoignage contre eux. »

6 Ils partirent et allèrent de village en village ; ils annonçaient la bonne nouvelle et faisaient partout des guérisons.

(Traduction Louis Segond S21)

Nous retrouvons une formulation similaire à celle de Matthieu dans le texte de Luc, mais ce dernier utilise le même terme grec que Marc. Le terme employé par Luc 9.3, traduit par « ne prenez rien », est : αἴρω (Numéro Strong 142), qui signifie plutôt emporter. Il s’agit d’objets que l’apôtre possédait déjà !
Nous nous retrouvons donc face aux textes de Marc et de Luc qui semblent se contredire, malgré l’utilisation des mêmes termes grecs, Marc ayant ajouté une négation.

Luc, qui connaissait les récits de Matthieu et de Marc, n’aurait jamais introduit une contradiction avec les affirmations provenant directement des apôtres qui avaient entendu ces paroles de la bouche même du Messie Jésus. De plus, Luc se distingue par son érudition dans sa rédaction, il sait donc choisir le mot approprié.

Comment pouvons-nous expliquer cette divergence linguistique ?

Un point demeure toutefois évident : les apôtres ne sont pas partis pieds nus et sans bâton. Ce dernier était indispensable pour se protéger des bêtes sauvages et des brigands, mais aussi pour marcher. Le sens de ces paroles est donc bien de ne pas s’encombrer d’affaires superflues et de compter sur l’assistance des nouveaux convertis.

L’explication de la contradiction

L’utilisation du même terme grec par Marc et Luc ne nous permet pas de nous appuyer sur le sens des mots originaux pour expliquer cette apparente contradiction. La logique semble valider les affirmations de Marc, et nous savons que Luc n’aurait jamais contredit les propos des apôtres sans risquer de perdre en crédibilité. Dans ces conditions, comment expliquer cette divergence ?

Certains traducteurs, dans le but d’éviter ce problème, ont ajouté un « S » dans les versions de Matthieu et Luc. Bien que le sens du texte soit préservé, cette traduction semble trahir les propos des apôtres. Ces versions ne sont d’ailleurs pas acceptées par la majorité des divers commentateurs. La différence littérale persiste donc.

L’explication que nous proposons est la suivante : Marc cite un autre entretien sur le même sujet entre le Maître et les apôtres. Cela n’est pas surprenant, car ceux-ci n’ont probablement pas compris la première formulation ; ne prenez ni argent, ni sandale, ni bâton. Il semble évident qu’ils ont interrogé le Messie Jésus sur le sens de ces paroles : devons-nous aller pieds nus ? Devons-nous circuler sans bâton ?
Dans l’entretien avec Nicodème, nous observons le même principe : le Messie Jésus avance une affirmation qui semble difficile à comprendre. Face à cela, l’interlocuteur demande des éclaircissements, et le Messie Jésus précise alors sa pensée.

Le Messie Jésus a donc précisé sa pensée en disant dans sa réponse, celle que nous lisons dans Marc : bien sûr, emportez vos sandales, celles que vous avez à vos pieds, mais ne prenez pas de rechange, évidement prenez votre bâton, celui que vous utilisez habituellement, mais uniquement celui-là. Nous retrouvons le sens suivant : ne vous embarrassez pas d’affaires, mais prenez le strict minimum. Ne perdez pas de temps avec une préparation du voyage, mais partez comme vous êtes et concentrez-vous uniquement sur la propagation de l’Évangile. Il ne faut pas que vous soyez limité par des nécessités matérielles, elles seront prises en compte par les nouveaux convertis.
Cette attitude semble nouvelle, car habituellement lors des déplacements, il y avait toute une logistique mise en place avec des personnes qui accompagnaient et qui géraient les problèmes matériels.

D’ailleurs, Luc 22.35-36 apporte une conclusion. En effet, le Messie Jésus précise bien qu’il a envoyé ses disciples sans argent, sans sac et surtout sans chaussures. Il pose la question : avez-vous manqué de quelque chose et les disciples répondent : non ! Il semble évident que Luc, en disant sans chaussure, souhaite dire sans rechange, car ces hommes ne marchaient pas pieds nus !

Il n’y a donc aucune contradiction entre les propos de Matthieu et Luc et ceux de Marc.

Conclusion

Certains sites Internet avancent l’idée qu’il existerait des contradictions dans nos Évangiles, en citant notamment celle que nous étudions dans cette annexe. Ils en concluent que la Bible n’est pas un livre fiable.

Cependant, il ne s’agit pas ici de contradiction. En effet, Matthieu et Luc rapportent les premières paroles du Messie Jésus, tandis que Marc note l’explication qu’il a donnée en réponse aux interrogations des apôtres. Le scepticisme des apôtres est aisément compréhensible lorsqu’ils entendent qu’ils ne doivent pas prendre de sandales ni de bâton. Ils n’ont donc visiblement pas saisi la formulation du Maître et l’ont interrogé à ce sujet.

Ainsi, Matthieu et Luc nous transmettent les premières paroles du Messie Jésus, tandis que Marc nous livre l’explication qui a suivi. Cette explication découle naturellement des textes bibliques, mais aussi de l’attitude des apôtres que nous découvrons à travers divers événements. Il est important de rappeler que les auteurs des Évangiles étaient confrontés à une contrainte majeure : ils devaient réduire au maximum la longueur de leur récit afin qu’il corresponde aux capacités du papyrus sur lequel ils écrivaient.

Il leur était donc impossible de fournir toutes les explications qu’ils auraient souhaité, d’où les difficultés que nous pouvons rencontrer aujourd’hui. Cependant, une étude minutieuse du texte nous permet d’expliquer ces différences, et c’est là l’essentiel. Il n’y a pas d’erreur ni de contradiction dans nos Évangiles, simplement des points qui peuvent être difficiles à comprendre.