Annexe
Annexe 88
Les deux onctions du Messie Jésus

Les deux onctions du Messie Jésus

Pour plus d’informations

Vous pouvez consulter l’annexe ANN083 : La famille du Messie Jésus

Introduction

Les Évangiles renferment des récits qui présentent à la fois des similitudes et des divergences notables, au point que certains critiques évoquent des contradictions. L’exemple de l’onction de Jésus illustre parfaitement ce phénomène.

Comment devons-nous interpréter ces différences ?

Est-il possible que Jean se soit trompé ?

Notre objectif dans cette étude est d’analyser tous les éléments rapportés dans les Évangiles afin de comprendre pleinement le message que Matthieu, Marc, Luc et Jean ont cherché à nous transmettre.

Comme vous le savez, nous sommes convaincus que les textes bibliques ne contiennent pas d’erreurs. Par conséquent, il est de notre devoir de justifier les divergences que nous observons dans ces différents écrits.

Nous devons aborder ces textes avec une approche académique rigoureuse, en tenant compte du contexte historique et culturel dans lequel ils ont été rédigés, ainsi que des intentions possibles des auteurs. En faisant cela, nous pouvons parvenir à une compréhension plus précise de ces textes sacrés.

La femme pécheresse

Selon Luc, Simon, un pharisien, invite Jésus à déjeuner dans sa maison (PER113 : Jésus chez le pharisien). Acceptant l’invitation, Jésus se rend chez lui. Une femme, notoirement connue pour sa vie dissolue, apprend que Jésus est à table chez le pharisien et entre discrètement.

Dans Luc 7.36–39, un pharisien donc invite Jésus à manger avec lui. Jésus entre dans la maison du pharisien et se met à table. Une femme pécheresse de la ville apprend qu’il est à table dans la maison du pharisien. Elle apporte un vase plein de parfum et se tient derrière Jésus, aux pieds de celui-ci. Elle pleure, mouille les pieds de Jésus de ses larmes, les essuie avec ses cheveux, les embrasse et verse le parfum sur eux. Le pharisien qui avait invité Jésus, voyant cela, pense en lui-même : “Si cet homme était prophète, il saurait qui est celle qui le touche et de quel genre de femme il s’agit, il saurait que c’est une pécheresse.”

Simon ne semble pas surpris par la présence de cette femme. En effet, ce type de repas se déroulait souvent dans une cour intérieure, accessible à tous. La coutume voulait que lors de telles réceptions, des personnes extérieures puissent observer les personnalités présentes. Ce qui est surprenant dans cette situation, c’est l’action de cette femme. Elle lave les pieds de Jésus avec ses larmes, les essuie avec ses cheveux, puis verse du parfum. Son geste semble déplacé, surtout compte tenu de sa réputation.

Jésus et les autres invités étaient couchés pour manger, c’est pourquoi il n’a pas remarqué la femme quand elle est entrée. Simon le pharisien, qui observait la scène, pense que si Jésus était un prophète, il saurait qui est cette femme. Une femme pécheresse signifie une prostituée et il semble que Simon sache ce qu’on dit d’elle.

Dans cette situation, deux mondes s’affrontent : celui de Simon, caractérisé par sa culture, son abondance, sa réussite, sa vie respectable et exemplaire, et celui de cette femme, prostituée, pauvre, décriée et rejetée. Jésus est appelé à répondre, car aux yeux de Simon, il aurait dû repousser cette femme.

Comprenant la situation, tous les convives portent leur regard sur Jésus. Nous connaissons la suite de ce récit et l’intervention de Jésus en faveur de cette femme. De manière inattendue, Jésus loue cette femme. Ce n’est pas son passé qui est pertinent, mais ses actions présentes sous les yeux de tous.

La position de Jésus à l’égard de la femme apparaît révolutionnaire.

Une position révolutionnaire

Cette situation évoque celle d’une autre femme, prise en flagrant délit d’adultère (Jean 8.2-11), tandis que l’homme impliqué n’est pas inquiété. La déclaration bienveillante de Jésus en faveur de cette pécheresse est toujours mémorable. Comme il est dit en Jean 8.7 : “Que celui d’entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle.” Et il ajoute en Jean 8.10-11 : “Femme, où sont ceux qui t’accusaient ? Personne ne t’a donc condamnée ?” Elle répondit : “Personne, Seigneur.” Jésus lui dit : “Moi non plus, je ne te condamne pas ; vas-y et désormais ne pèche plus.”

La manière dont Jésus traite la femme est ainsi révolutionnaire par rapport aux idées de son temps. À cette époque en Israël, la femme était confinée à des tâches matérielles au sein du foyer familial. Elle n’était pas autorisée à participer à des débats que cette société réservait exclusivement aux hommes. Même au temple de Jérusalem, elle devait rester sur l’esplanade appelée : parvis des femmes ! Un homme ne parlait pas en public avec une femme. Cette condition pourrait surprendre dans notre contexte du vingt et unième siècle, mais nous retrouvons ces principes dans l’histoire de notre pays où la légende que la femme n’avait pas d’âme a circulé et a surtout été acceptée par beaucoup !

L’origine de cette idée vient d’un passage de l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours. Il raconte qu’au cours du Concile de Mâcon en 585, un évêque a déclaré qu’une femme ne pouvait être appelée “homme” (homo en latin). Cela a ensuite été mal compris comme une question sur l’âme des femmes. En réalité, il s’agissait d’un débat linguistique, pas philosophique. Il est important de noter que l’Église n’a jamais nié que les femmes avaient une âme. Les femmes ont été baptisées aussi bien que les hommes dès les origines de la chrétienté.

Le Messie Jésus a donc été un grand précurseur dans la condition féminine, défendant ainsi le principe édicté en Genèse 1.27. Selon ce texte, Dieu a créé l’homme et la femme à son image. Le verset dit : “Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme”. Ce verset indique que tant l’homme que la femme ont été créés à l’image de Dieu, ce qui signifie qu’ils partagent une égale dignité en tant que personnes humaines. Cela a été interprété pour signifier que tous les êtres humains, indépendamment de leur sexe, reflètent l’image de Dieu.

Une scène comparable avec Marie de Béthanie

Il est crucial de ne pas confondre les événements précédents avec ceux impliquant Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare (Péricope PER253 : Marie oint Jésus). Selon Marc 14.3-4 et Matthieu 26.6-13, lors d’un repas chez Simon le lépreux à Béthanie, une femme, tenant un vase d’albâtre contenant un parfum de nard pur de grande valeur, entre pendant que Jésus est à table. Elle brise le vase et répand le parfum sur la tête de Jésus, suscitant l’indignation de certains convives.

Cette scène avec Marie de Béthanie est relatée par Matthieu, Marc et Jean (Jean 12.2-8). Il existe une certaine ressemblance avec l’épisode de la femme pécheresse, d’autant plus que le pharisien dans cette histoire s’appelle également Simon, un nom courant à cette époque. Étant donné que Jésus a accompli de nombreux miracles, prononcé de nombreux discours et accepté de nombreuses invitations, il n’est pas surprenant que des scènes similaires se soient produites.

Luc, ayant déjà cité l’épisode de la femme pécheresse (Luc 7.36-39), n’a pas jugé nécessaire de rapporter l’acte de Marie de Béthanie, ce qui aurait constitué deux exemples trop similaires. Par conséquent, nous pouvons affirmer que Marie de Béthanie n’était pas une femme de mauvaise vie au sens où l’entendait Simon le pharisien.

Un détail surprenant est que ni Matthieu ni Marc ne mentionnent le nom de Marie de Béthanie. Jean le révèle plus tard, plus de trente ans après (Jean 12.3). Il faut rappeler la période de persécutions qui a suivi la crucifixion. Les auteurs des deux premiers Évangiles, Matthieu et Marc, ont évité de divulguer des informations susceptibles de nuire à leurs collaborateurs et amis dévoués.

Nous en déduisons que la révélation du nom de Simon le lépreux par Matthieu 26.6-13 et Marc 14.3, suggère son décès. Nous sommes alors en l’an 46, selon nos conclusions. Lorsque Jean rédige son texte plusieurs décennies plus tard, toutes les personnes mentionnées sont désormais décédées.

Ainsi, les auteurs des deux premiers Évangiles, Matthieu et Marc, ont pris des précautions lorsqu’ils ont cité certains faits, afin de ne pas mettre en danger les différents acteurs encore en vie au moment de la rédaction de leurs textes.

Un problème de chronologie

La question de savoir à quel moment cet événement a eu lieu – six jours avant la Pâque comme l’indique Jean 12.1, ou deux jours avant la Pâque comme l’affirme [/b]Marc 14.1-3[/b] nécessite une analyse approfondie.

Dans Jean 12.1-3, il est rapporté que six jours avant la Pâque, Jésus est arrivé à Béthanie, où se trouvait Lazare, qu’il avait ressuscité. Là, un repas lui a été offert ; Marthe servait et Lazare était parmi ceux qui se trouvaient à table avec lui. Marie a pris un demi-litre d’un parfum de nard pur très cher, l’a versé sur les pieds de Jésus et lui a essuyé les pieds avec ses cheveux ; la maison a été remplie de l’odeur du parfum.

Dans Marc 14.1-3, il est indiqué que la fête de la Pâque et des pains sans levain devait avoir lieu deux jours plus tard. Les chefs des prêtres et les spécialistes de la loi cherchaient les moyens d’arrêter Jésus par ruse et de le faire mourir. Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme est entrée pendant qu’il se trouvait à table. Elle tenait un vase qui contenait un parfum de nard pur très cher. Elle a brisé le vase et a versé le parfum sur la tête de Jésus.

Le 14 Nisan commence le jeudi soir et se poursuit le vendredi, ce qui signifie que Jean parle du vendredi ou du samedi, et Marc du mardi ou du mercredi. Sans aborder ici le problème du jour précis, et en appliquant le même principe aux deux auteurs, nous constatons une différence de quatre jours.

En analysant les textes, nous observons que Jean situe sa date par rapport au repas chez Simon, tandis que Marc évoque la résolution des pharisiens de faire mourir Jésus. Sa référence au repas après nous donne l’impression que ce repas s’est déroulé en même temps que cette résolution, ce qui semble erroné.

Marc ne suit visiblement pas l’ordre chronologique des événements, il préfère regrouper des sujets similaires. Il organise son exposé pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé. C’est ce qu’il fait dans la section Marc 2.1 à Marc 3.5, où il a réuni cinq épisodes montrant le conflit entre Jésus et les autorités religieuses. C’est ce qu’il fait aussi dans la section Marc 11.27 à Marc 12.37, où il rapporte encore cinq controverses dans le temple de Jérusalem.

Ceci nous amène à accorder plus de crédit aux informations de Jean et à affirmer qu’elles ne sont pas en conflit avec les notes de Marc.

Des différences significatives

Nous allons maintenant procéder à une comparaison des trois récits de cette même histoire, tels que rapportés dans Matthieu 26.6-13, Marc 14.3-9 et [/b]Jean 12.1-3[/b].

Dans Matthieu 26.6–13, Jésus se trouve à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux. Une femme s’approche de lui avec un vase contenant un parfum de grande valeur et le verse sur sa tête pendant qu’il est à table. Les disciples s’indignent de ce qu’ils considèrent comme un gaspillage, arguant que le parfum aurait pu être vendu très cher et l’argent donné aux pauvres. Jésus, en connaissance de cause, défend la femme, affirmant qu’elle a accompli une bonne action envers lui.

Dans Marc 14.3–9, le récit est similaire. Jésus est à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, et une femme entre pendant qu’il est à table. Elle tient un vase contenant un parfum de nard pur très cher, brise le vase et verse le parfum sur la tête de Jésus. Certains expriment leur indignation, estimant que le parfum aurait pu être vendu plus de 300 pièces d’argent et l’argent donné aux pauvres. Jésus défend la femme, affirmant qu’elle a fait une bonne action envers lui.

Dans Jean 12.1–8, six jours avant la Pâque, Jésus arrive à Béthanie où se trouve Lazare, qu’il avait ressuscité. Là, on lui offre un repas ; Marthe sert et Lazare est parmi ceux qui se trouvent à table avec lui. Marie prend un demi-litre d’un parfum de nard pur très cher, le verse sur les pieds de Jésus et lui essuie les pieds avec ses cheveux. La maison est alors remplie de l’odeur du parfum. Judas l’Iscariot, qui allait trahir Jésus, critique cet acte, suggérant que le parfum aurait pu être vendu 300 pièces d’argent pour les donner aux pauvres. Jésus défend Marie, affirmant qu’elle a gardé ce parfum pour le jour de son ensevelissement.

Les trois récits se déroulent à Béthanie, chez Simon, un ancien lépreux probablement guéri par Jésus. Jean ne cite pas son nom, vraisemblablement parce qu’il était déjà connu de ses amis. Il a généralement pour habitude d’apporter des informations supplémentaires plutôt que de reprendre ce qui est déjà écrit.

Les trois auteurs décrivent de manière identique la scène : une femme verse du parfum de grand prix sur la tête de Jésus ( ou sur les pieds). Cet acte est critiqué dans les trois textes, car la somme ainsi dépensée aurait pu servir aux pauvres. Marc et Jean précisent une estimation du prix (300 pièces d’argent) et Jean note la quantité : 500 ml. Jean nous apporte le détail que c’est Judas l’Iscariote qui a provoqué cette indignation, voyant dans cet acte un gaspillage. Jean, connaissant les véritables motivations de Judas l’Iscariote, nous révèle qu’il volait de l’argent dans la caisse, un fait visiblement ignoré de Matthieu et de Marc. Dans les trois textes, nous constatons que Jésus prend la défense de la femme.

Une seule question reste en suspens : Marie a-t-elle versé le parfum sur la tête du Messie Jésus comme le précise Matthieu et Marc ou sur ses pieds selon Jean ?

Alors, sur la tête ou sur les pieds ?

Il est indéniable que Matthieu et Marc rapportent que Marie a versé le parfum sur la tête de Jésus, tandis que Jean précise qu’elle l’a versé sur ses pieds. Comment peut-on expliquer cette apparente contradiction ?

Rappelons que Jean mentionne une grande quantité de parfum, soit une livre, environ 500 ml. Les repas de cette époque étaient généralement pris en position allongée, les pieds orientés vers l’extérieur de la table basse où était disposée la nourriture.

Il est probable que Marie, ne sachant pas comment Jésus réagirait, a commencé par verser du parfum sur ses pieds, comme le signale Jean, et les a essuyés avec ses cheveux pour ne pas indisposer le Maître. En constatant l’acte de Marie, Jésus s’est probablement redressé pour la remercier, et c’est à partir de ce moment qu’elle a pu lui verser le reste du parfum sur la tête.

À cette époque, verser de l’huile ou du parfum sur la tête d’une personne était un acte symbolique fort, réservé aux rois et aux prophètes exerçant un rôle important.

Ce parfum représentait sans doute toute la richesse de Marie. Elle l’a utilisé pour oindre son Seigneur et Maître, ce qui explique pourquoi les critiques de Judas l’Iscariote et de certains autres disciples étaient totalement déplacées.

Nous ne pouvons pas, avec le peu de renseignements que nous possédons, affirmer que la situation s’est déroulée exactement comme nous l’avons décrite, mais l’interprétation que nous proposons nous semble néanmoins la plus réaliste.

Ce sont Matthieu et Marc qui mentionnent que Jésus a été oint de parfum sur la tête, un geste qui était réservé aux puissants de ce monde. Jean ajoute le détail que Marie a également répandu du parfum sur les pieds du Maître, un geste d’humilité. Ces clarifications sont cohérentes avec les objectifs de ces différents auteurs.

Conclusion

Nous sommes ici en présence d’un exemple caractéristique des récits évangéliques. Chaque auteur apporte sa propre vision de la situation, en fonction des informations dont il dispose et de la discrétion qu’il doit observer pour ne pas mettre en danger la vie de ses frères et sœurs dans la foi.

Les différences observées attestent de la véracité de ce récit. En effet, l’indépendance des auteurs les a amenés à divulguer les faits qui leur semblaient les plus significatifs sur le plan personnel.

Il est donc établi qu’il y a eu deux onctions distinctes. Leurs similitudes ont conduit certains commentateurs à évoquer des distorsions, remettant ainsi en cause la crédibilité des auteurs bibliques. Cependant, comme nous venons de le voir, cette interprétation n’est pas fondée.