Les Souverains Sacrificateurs
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Introduction
Le Souverain Sacrificateur, en tant que principal responsable du tribunal juif, le Sanhédrin, est une figure de premier plan dans la société. Il est la deuxième personne la plus importante du pays, juste derrière le procureur romain. Son influence est considérable, car il contrôle le Temple et toutes les activités religieuses. Dans cette société où le religieux et le politique sont intimement liés, le Souverain Sacrificateur occupe une position centrale.
Le pouvoir romain a rapidement saisi l’importance de ce poste. Ainsi, au fil des années d’occupation, les différents représentants romains ont pris l’initiative de nommer à cette fonction des hommes qui, sinon à leur solde, étaient au moins favorables à Rome et manipulables.
Cependant, un point suscite notre étonnement. Dans le troisième Évangile, nous trouvons des allusions à deux Souverains Sacrificateurs qui auraient officié ensemble, au temps du Messie Jésus. Comment pouvons-nous expliquer cette affirmation de Luc ?
Le texte de l’Evangile de Luc
En effet, selon les informations rapportées par Luc, deux personnages en particulier occupent cette position convoitée : Anne et Caïphe.
Cette expression est inhabituelle. En général, la succession se produisait après le décès du précédent titulaire, et il n’y avait qu’un seul Souverain Sacrificateur en fonction. Celui-ci présidait le Sanhédrin, principalement pour les affaires religieuses.
Les descendants d’Aaron, de la tribu de Lévi, remplissaient les fonctions de sacrificateur. Ils étaient chargés de gérer les différents sacrifices, le fonctionnement du Tabernacle et ensuite du Temple. Ils nommaient un responsable, qui portait le titre de Souverain Sacrificateur ou Grand Prêtre. Ce poste, généralement occupé par le chef de la famille la plus influente, se transmettait habituellement de père en fils.
Ce poste convoité pouvait susciter de nombreuses convoitises. Les principes démocratiques que nous connaissons aujourd’hui n’existaient pas à cette époque et le peuple n’avait pas son mot à dire. Cette nomination restait entre les mains des représentants religieux.
La période de domination romaine
Sous l’occupation romaine, les différents préfets en poste choisissaient le Grand Prêtre, le plus haut responsable juif, en fonction de son allégeance à Rome. Par conséquent, il était possible que plusieurs Grands Prêtres soient encore en vie et conservent ce titre à titre honorifique.
Par exemple, Anne a été nommé en 6 ou 7 après J.-C., succédant à Joazar qui avait été nommé par le peuple. Après Ismael, Eleazar et Simon, Joseph Caïphe a été nommé par le procurateur de Judée, Valerius Gratus, en 18 après J.-C. Il a occupé ce poste pendant près de 20 ans avant d’être destitué en 36 après J.-C.
Il n’est donc pas surprenant qu’il y ait eu plusieurs Grands Prêtres en vie en même temps. Cependant, seul un d’entre eux exerçait effectivement le pouvoir à un moment donné.
Caïphe
Caïphe a été investi du titre de Grand Prêtre en 18 après J.-C. par le préfet de Judée, Valérius Gratus, et a occupé ce poste pendant environ deux décennies. Précédemment, Valérius Gratus avait nommé puis révoqué quatre Grands Prêtres, dont Anne, le beau-père de Caïphe. Anne a exercé ses fonctions de l’an 6 à l’an 15, et a été suivi par Ishmael, Eléazar et Simon, chacun occupant le poste pendant environ trois ans.
Il était clairement établi que le Grand Prêtre devait se soumettre à l’autorité du préfet romain. Caïphe, ayant bien compris ces conditions, entretenait de bonnes relations avec Ponce Pilate. Bien que les Romains accordaient une certaine autonomie aux peuples qu’ils avaient conquis, ils demeuraient néanmoins les maîtres incontestés. Un ancien Grand Prêtre conservait son titre à titre honorifique. Ces Grands Prêtres appartenaient à des familles reconnues, riches et influentes, et résidaient dans les quartiers hauts de Jérusalem, à proximité du temple. Les habitants les plus pauvres vivaient dans la partie basse de la ville. C’est ce qui explique la facilité et la rapidité avec lesquelles Jésus, le Messie, a pu être présenté devant Anne, puis devant Caïphe après son arrestation.
Selon Jean 11.47-50, les chefs des prêtres et les pharisiens ont rassemblé le sanhédrin et ont exprimé leur inquiétude face aux nombreux signes miraculeux accomplis par Jésus. Ils craignaient que si Jésus continuait à agir ainsi, tous croiraient en lui et les Romains viendraient détruire leur ville et leur nation. Caïphe, qui était grand-prêtre cette année-là, leur a alors conseillé qu’il était préférable qu’un seul homme meure pour le peuple, plutôt que de voir toute la nation disparaître.
La position de Caïphe, et par extension celle d’une grande majorité du Sanhédrin, était claire. Il était inconcevable de remettre en cause leurs institutions, comme le faisait Jésus. Il fallait donc que cet Homme disparaisse. Leur système, qui leur permettait de vivre, de s’enrichir, d’occuper des postes de pouvoir et de résider dans de magnifiques demeures sur les hauteurs de Jérusalem, devait-il être remis en cause par un Homme ? Il est évident que le sort de Jésus était scellé.
Caïphe et Ponce Pilate ont dirigé le pays pendant une dizaine d’années, soit toute la période du mandat de Ponce Pilate. Ils ont tous deux été destitués à la même époque. Ponce Pilate a été nommé préfet de Judée en 26 après J.-C., sous le règne de l’empereur Tibère. Il a occupé ce poste pendant environ dix à onze ans. Il a été destitué et renvoyé à Rome à la fin de 36 ou au début de 37 après J.-C., pour une raison inconnue, par le proconsul de Syrie Lucius Vitellius, afin de s’expliquer devant l’empereur. Après son arrivée à Rome, l’histoire perd sa trace.
Joseph, dit Caïphe, a été nommé grand-prêtre du Temple de Jérusalem en 18 après J.-C. par le préfet romain de Judée Valerius Gratus. Il a occupé ce poste pendant près de 20 ans. Caïphe a été destitué à la fin de 36 ou au plus tard en avril 37 après J.-C. par le légat de Syrie Lucius Vitellius. Après sa destitution, l’histoire perd sa trace.
Il est donc raisonnable de conclure que ces deux hommes se connaissaient bien et qu’en dépit de leurs divergences, ils parvenaient facilement à trouver des compromis.
Anne
Annan, connu sous le nom d’Anne dans la Bible, a été destitué par Valérius Gratus en l’an 15 après neuf années de service. Beau-père de Caïphe, il était issu d’une des familles les plus influentes de son époque et était reconnu pour sa richesse. Les sources historiques le décrivent comme un homme fier, audacieux et cruel. Pendant un demi-siècle, il a conservé son pouvoir sur le Sanhédrin, car cinq de ses fils sont devenus Grands Prêtres à leur tour.
Dans Jean 18.13, il est écrit : “Ils l’amenèrent d’abord chez Anne, car il était le beau-père de Caïphe qui était grand-prêtre cette année-là.” Et dans Jean 18.24, il est mentionné : “Alors Anne l’envoya, attaché, à Caïphe, le grand-prêtre.”
L’influence d’Anne est manifeste, car c’est à lui que les Juifs ont d’abord présenté Jésus, le Messie, après son arrestation. C’est ensuite lui qui a envoyé Jésus chez son gendre, le Grand Prêtre en fonction. Il est à noter qu’il a fait lier Jésus, affirmant ainsi son autorité et sa position. Le message pour son gendre, le responsable légal, était clair : il fallait se débarrasser de cet intrus le plus rapidement possible. Caïphe n’avait plus le pouvoir de vie et de mort pour les condamnations. En sollicitant le préfet Romain, il est devenu évident que la seule condamnation envisagée était la mort. Ce message était également clair pour Ponce Pilate, qui était surpris que ce problème religieux ne soit pas traité directement par le Sanhédrin.
Conclusion
Il n’est pas inhabituel que plusieurs Grands Prêtres soient en vie simultanément. Luc et Jean, bien informés de la situation politique de leur époque, n’ont pas commis d’erreur à ce sujet.
Anne, malgré sa destitution, a conservé une influence considérable pendant près de cinquante ans, grâce à la nomination de ses fils et de son gendre à ce poste clé : Souverain Sacrificateur.
Bien que le pouvoir romain accordât une certaine autonomie aux peuples conquis, il exerçait néanmoins un contrôle sur toutes les décisions politiques et religieuses ayant un impact sur la société. En nommant et en destituant directement les responsables, Rome rappelait constamment qui détenait le pouvoir dans la région.