Annexe
Annexe 31
Les Souverains Sacrificateurs

Les Souverains Sacrificateurs

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Introduction

Le Souverain Sacrificateur, en tant que principal responsable du tribunal juif, le SanhĂ©drin, est une figure de premier plan dans la sociĂ©tĂ©. Il est la deuxiĂšme personne la plus importante du pays, juste derriĂšre le procureur romain. Son influence est considĂ©rable, car il contrĂŽle le Temple et toutes les activitĂ©s religieuses. Dans cette sociĂ©tĂ© oĂč le religieux et le politique sont intimement liĂ©s, le Souverain Sacrificateur occupe une position centrale.

Le pouvoir romain a rapidement saisi l’importance de ce poste. Ainsi, au fil des annĂ©es d’occupation, les diffĂ©rents reprĂ©sentants romains ont pris l’initiative de nommer Ă  cette fonction des hommes qui, sinon Ă  leur solde, Ă©taient au moins favorables Ă  Rome et manipulables.

Cependant, un point suscite notre Ă©tonnement. Dans le troisiĂšme Évangile, nous trouvons des allusions Ă  deux Souverains Sacrificateurs qui auraient officiĂ© ensemble, au temps du Messie JĂ©sus. Comment pouvons-nous expliquer cette affirmation de Luc ?

Le texte de l’Evangile de Luc

En effet, selon les informations rapportées par Luc, deux personnages en particulier occupent cette position convoitée : Anne et Caïphe.

Luc 3.1–2 (S21)

La quinziĂšme annĂ©e du rĂšgne de l’empereur TibĂšre, Ponce Pilate Ă©tait gouverneur de la JudĂ©e, HĂ©rode tĂ©trarque de la GalilĂ©e, son frĂšre Philippe tĂ©trarque du territoire de l’IturĂ©e et de la Trachonite, Lysanias tĂ©trarque de l’AbilĂšne,

2 et Anne et CaĂŻphe Ă©taient grands-prĂȘtres. C’est alors que la parole de Dieu fut adressĂ©e Ă  Jean, fils de Zacharie, dans le dĂ©sert,

(Traduction Louis Segond S21)

Luc 3.1–2 (NEG)

La quinziĂšme annĂ©e du rĂšgne de TibĂšre CĂ©sar, lorsque Ponce Pilate Ă©tait gouverneur de la JudĂ©e, HĂ©rode tĂ©trarque de la GalilĂ©e, son frĂšre Philippe tĂ©trarque de l’IturĂ©e et du territoire de la Trachonite, Lysanias tĂ©trarque de l’AbilĂšne,

2 et du temps des souverains sacrificateurs Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert.

(Traduction Louis Segond Nouvelle Edition de GenĂšve)

Cette expression est inhabituelle. En gĂ©nĂ©ral, la succession se produisait aprĂšs le dĂ©cĂšs du prĂ©cĂ©dent titulaire, et il n’y avait qu’un seul Souverain Sacrificateur en fonction. Celui-ci prĂ©sidait le SanhĂ©drin, principalement pour les affaires religieuses.

Nombres 18.7 (S21)

7 Toi et tes fils, vous remplirez la fonction de prĂȘtre pour tout ce qui concerne l’autel et pour ce qui se trouve derriĂšre le voile : c’est le service que vous effectuerez. C’est en pur don que je vous accorde la fonction de prĂȘtre. L’étranger qui s’en approchera sera mis Ă  mort. »

(Traduction Louis Segond S21)

Les descendants d’Aaron, de la tribu de LĂ©vi, remplissaient les fonctions de sacrificateur. Ils Ă©taient chargĂ©s de gĂ©rer les diffĂ©rents sacrifices, le fonctionnement du Tabernacle et ensuite du Temple. Ils nommaient un responsable, qui portait le titre de Souverain Sacrificateur ou Grand PrĂȘtre. Ce poste, gĂ©nĂ©ralement occupĂ© par le chef de la famille la plus influente, se transmettait habituellement de pĂšre en fils.

Ce poste convoitĂ© pouvait susciter de nombreuses convoitises. Les principes dĂ©mocratiques que nous connaissons aujourd’hui n’existaient pas Ă  cette Ă©poque et le peuple n’avait pas son mot Ă  dire. Cette nomination restait entre les mains des reprĂ©sentants religieux.

La période de domination romaine

Sous l’occupation romaine, les diffĂ©rents prĂ©fets en poste choisissaient le Grand PrĂȘtre, le plus haut responsable juif, en fonction de son allĂ©geance Ă  Rome. Par consĂ©quent, il Ă©tait possible que plusieurs Grands PrĂȘtres soient encore en vie et conservent ce titre Ă  titre honorifique.

Par exemple, Anne a Ă©tĂ© nommĂ© en 6 ou 7 aprĂšs J.-C., succĂ©dant Ă  Joazar qui avait Ă©tĂ© nommĂ© par le peuple. AprĂšs Ismael, Eleazar et Simon, Joseph CaĂŻphe a Ă©tĂ© nommĂ© par le procurateur de JudĂ©e, Valerius Gratus, en 18 aprĂšs J.-C. Il a occupĂ© ce poste pendant prĂšs de 20 ans avant d’ĂȘtre destituĂ© en 36 aprĂšs J.-C.

Il n’est donc pas surprenant qu’il y ait eu plusieurs Grands PrĂȘtres en vie en mĂȘme temps. Cependant, seul un d’entre eux exerçait effectivement le pouvoir Ă  un moment donnĂ©.

CaĂŻphe

CaĂŻphe a Ă©tĂ© investi du titre de Grand PrĂȘtre en 18 aprĂšs J.-C. par le prĂ©fet de JudĂ©e, ValĂ©rius Gratus, et a occupĂ© ce poste pendant environ deux dĂ©cennies. PrĂ©cĂ©demment, ValĂ©rius Gratus avait nommĂ© puis rĂ©voquĂ© quatre Grands PrĂȘtres, dont Anne, le beau-pĂšre de CaĂŻphe. Anne a exercĂ© ses fonctions de l’an 6 Ă  l’an 15, et a Ă©tĂ© suivi par Ishmael, ElĂ©azar et Simon, chacun occupant le poste pendant environ trois ans.

Il Ă©tait clairement Ă©tabli que le Grand PrĂȘtre devait se soumettre Ă  l’autoritĂ© du prĂ©fet romain. CaĂŻphe, ayant bien compris ces conditions, entretenait de bonnes relations avec Ponce Pilate. Bien que les Romains accordaient une certaine autonomie aux peuples qu’ils avaient conquis, ils demeuraient nĂ©anmoins les maĂźtres incontestĂ©s. Un ancien Grand PrĂȘtre conservait son titre Ă  titre honorifique. Ces Grands PrĂȘtres appartenaient Ă  des familles reconnues, riches et influentes, et rĂ©sidaient dans les quartiers hauts de JĂ©rusalem, Ă  proximitĂ© du temple. Les habitants les plus pauvres vivaient dans la partie basse de la ville. C’est ce qui explique la facilitĂ© et la rapiditĂ© avec lesquelles JĂ©sus, le Messie, a pu ĂȘtre prĂ©sentĂ© devant Anne, puis devant CaĂŻphe aprĂšs son arrestation.

Selon Jean 11.47-50, les chefs des prĂȘtres et les pharisiens ont rassemblĂ© le sanhĂ©drin et ont exprimĂ© leur inquiĂ©tude face aux nombreux signes miraculeux accomplis par JĂ©sus. Ils craignaient que si JĂ©sus continuait Ă  agir ainsi, tous croiraient en lui et les Romains viendraient dĂ©truire leur ville et leur nation. CaĂŻphe, qui Ă©tait grand-prĂȘtre cette annĂ©e-lĂ , leur a alors conseillĂ© qu’il Ă©tait prĂ©fĂ©rable qu’un seul homme meure pour le peuple, plutĂŽt que de voir toute la nation disparaĂźtre.

La position de CaĂŻphe, et par extension celle d’une grande majoritĂ© du SanhĂ©drin, Ă©tait claire. Il Ă©tait inconcevable de remettre en cause leurs institutions, comme le faisait JĂ©sus. Il fallait donc que cet Homme disparaisse. Leur systĂšme, qui leur permettait de vivre, de s’enrichir, d’occuper des postes de pouvoir et de rĂ©sider dans de magnifiques demeures sur les hauteurs de JĂ©rusalem, devait-il ĂȘtre remis en cause par un Homme ? Il est Ă©vident que le sort de JĂ©sus Ă©tait scellĂ©.

CaĂŻphe et Ponce Pilate ont dirigĂ© le pays pendant une dizaine d’annĂ©es, soit toute la pĂ©riode du mandat de Ponce Pilate. Ils ont tous deux Ă©tĂ© destituĂ©s Ă  la mĂȘme Ă©poque. Ponce Pilate a Ă©tĂ© nommĂ© prĂ©fet de JudĂ©e en 26 aprĂšs J.-C., sous le rĂšgne de l’empereur TibĂšre. Il a occupĂ© ce poste pendant environ dix Ă  onze ans. Il a Ă©tĂ© destituĂ© et renvoyĂ© Ă  Rome Ă  la fin de 36 ou au dĂ©but de 37 aprĂšs J.-C., pour une raison inconnue, par le proconsul de Syrie Lucius Vitellius, afin de s’expliquer devant l’empereur. AprĂšs son arrivĂ©e Ă  Rome, l’histoire perd sa trace.

Joseph, dit CaĂŻphe, a Ă©tĂ© nommĂ© grand-prĂȘtre du Temple de JĂ©rusalem en 18 aprĂšs J.-C. par le prĂ©fet romain de JudĂ©e Valerius Gratus. Il a occupĂ© ce poste pendant prĂšs de 20 ans. CaĂŻphe a Ă©tĂ© destituĂ© Ă  la fin de 36 ou au plus tard en avril 37 aprĂšs J.-C. par le lĂ©gat de Syrie Lucius Vitellius. AprĂšs sa destitution, l’histoire perd sa trace.

Il est donc raisonnable de conclure que ces deux hommes se connaissaient bien et qu’en dĂ©pit de leurs divergences, ils parvenaient facilement Ă  trouver des compromis.

Anne

Annan, connu sous le nom d’Anne dans la Bible, a Ă©tĂ© destituĂ© par ValĂ©rius Gratus en l’an 15 aprĂšs neuf annĂ©es de service. Beau-pĂšre de CaĂŻphe, il Ă©tait issu d’une des familles les plus influentes de son Ă©poque et Ă©tait reconnu pour sa richesse. Les sources historiques le dĂ©crivent comme un homme fier, audacieux et cruel. Pendant un demi-siĂšcle, il a conservĂ© son pouvoir sur le SanhĂ©drin, car cinq de ses fils sont devenus Grands PrĂȘtres Ă  leur tour.

Dans Jean 18.13, il est Ă©crit : “Ils l’amenĂšrent d’abord chez Anne, car il Ă©tait le beau-pĂšre de CaĂŻphe qui Ă©tait grand-prĂȘtre cette annĂ©e-lĂ .” Et dans Jean 18.24, il est mentionnĂ© : “Alors Anne l’envoya, attachĂ©, Ă  CaĂŻphe, le grand-prĂȘtre.”

L’influence d’Anne est manifeste, car c’est Ă  lui que les Juifs ont d’abord prĂ©sentĂ© JĂ©sus, le Messie, aprĂšs son arrestation. C’est ensuite lui qui a envoyĂ© JĂ©sus chez son gendre, le Grand PrĂȘtre en fonction. Il est Ă  noter qu’il a fait lier JĂ©sus, affirmant ainsi son autoritĂ© et sa position. Le message pour son gendre, le responsable lĂ©gal, Ă©tait clair : il fallait se dĂ©barrasser de cet intrus le plus rapidement possible. CaĂŻphe n’avait plus le pouvoir de vie et de mort pour les condamnations. En sollicitant le prĂ©fet Romain, il est devenu Ă©vident que la seule condamnation envisagĂ©e Ă©tait la mort. Ce message Ă©tait Ă©galement clair pour Ponce Pilate, qui Ă©tait surpris que ce problĂšme religieux ne soit pas traitĂ© directement par le SanhĂ©drin.

Conclusion

Il n’est pas inhabituel que plusieurs Grands PrĂȘtres soient en vie simultanĂ©ment. Luc et Jean, bien informĂ©s de la situation politique de leur Ă©poque, n’ont pas commis d’erreur Ă  ce sujet.

Anne, malgré sa destitution, a conservé une influence considérable pendant prÚs de cinquante ans, grùce à la nomination de ses fils et de son gendre à ce poste clé : Souverain Sacrificateur.

Bien que le pouvoir romain accordùt une certaine autonomie aux peuples conquis, il exerçait néanmoins un contrÎle sur toutes les décisions politiques et religieuses ayant un impact sur la société. En nommant et en destituant directement les responsables, Rome rappelait constamment qui détenait le pouvoir dans la région.